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Flotte électrique et Droit social

Flotte électrique et droit social : quels sont les impacts en droit social de l’électrification de votre flotte d’entreprise ? Les 7 points incontournables à prendre en compte pour mener à bien votre projet.

Pour mémoire, la « flotte » de l’entreprise comprend les véhicules de fonction et les véhicules de service :

  • Les véhicules de service sont réservés à un usage strictement professionnel et circonscrit aux déplacements effectués dans le cadre des heures de travail du salarié.
  • Les véhicules de fonction sont utilisables par le salarié pour ses déplacements professionnels mais également pour ses déplacements personnels, en dehors du temps de travail.

Le véhicule électrique est en plein boom et pour anticiper les échéances de 2035, vous souhaitez électrifier votre flotte de véhicules d’entreprise ?

Zoom sur les impacts de ce projet pour vos salariés en 7 points clés :

  1. Informer ou consulter le CSE ?
  2. Adapter votre politique interne automobile (car policy)
  3. Faire évoluer le document unique d’évaluation des risques (DUER)
  4. Adapter les contrats de travail de vos salariés
  5. Calculer l’avantage en nature des véhicules de fonction électriques
  6. Former vos salariés aux nouveaux véhicules électriques
  7. Assurer la protection des données personnelles

1. Faut-il informer ou consulter le CSE sur le projet de flotte électrique ? 

Cette question ne se pose que si votre entreprise dispose d’un effectif supérieur à 50 salariés et qu’elle a mis en place un Comité Social et Economique (CSE). Dans cette hypothèse, le CSE a des attributions « élargies » et doit être informé, voire consulté sur certaines décisions prises par l’employeur.

En particulier, il est consulté avant toute décision :

  • susceptible d’avoir un impact sur les conditions de travail,
  • ou d’introduction d’une nouvelle technologie,
  • ou pour tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.[1]

De manière générale, la consultation du CSE est requise lorsque la mesure envisagée est importante et ne revêt pas un caractère individuel[2].

Attention ! Le défaut de consultation du CSE, lorsqu’elle est nécessaire, est susceptible d’entraîner des poursuites pénales de l’employeur pour entrave aux prérogatives du CSE. L’employeur encourt, dans ce cas, une amende de 7.500 Euros pour les personnes physiques et 37.500 Euros pour les personnes morales[3].

Par ailleurs, le CSE a la possibilité de demander au Tribunal Judiciaire de suspendre la mesure envisagée par l’employeur s’il n’est pas dûment consulté[4].

Si vous disposez d’un CSE à attributions élargies, la mise en place d’un projet d’électrification des flottes d’entreprise nécessite, à notre avis, a minima l’information de votre CSE.

Cette information pourra d’autant plus être justifiée si l’électrification de votre flotte s’accompagne d’un relevé (par badge par exemple) des consommations professionnelles et personnelles de vos salariés sur les bornes installées dans les locaux de l’entreprise et/ou à leur domicile. En effet, ce type de traitement de données personnelles s’apparente à un traitement automatisé de gestion du personnel, pour lequel le CSE doit obligatoirement être informé[5].

Dans certains cas, l’importance et l’impact de votre projet d’électrification des flottes sur la collectivité des salariés peuvent être tels qu’une simple information pourrait être considérée comme insuffisante. Dans ce cas, nous vous recommandons de sécuriser le projet par la consultation préalable du CSE.

Attention ! Le mot « consultation préalable  » signifie que si vous décidez de consulter votre CSE, la consultation doit impérativement précéder toute prise de décision[6].

Chaque projet d’électrification de flotte doit donc être étudié au cas par cas pour déterminer si une simple information est nécessaire ou si la consultation du CSE est à privilégier.

Marici Avocats peut vous conseiller si vous hésitez sur la marche à suivre vis à vis de votre CSE.

2. Adapter votre car policy aux nouveaux véhicules électriques

 L’électrification des flottes d’entreprise doit vous conduire à prévoir l’adaptation de votre politique automobile d’entreprise ou « car policy », si celle-ci existe déjà dans l’entreprise.

Ce document essentiel a généralement pour objet d’encadrer l’attribution et l’utilisation des véhicules de fonction et de service de l’entreprise par les salariés.

L’électrification de la flotte d’entreprise nécessite que celui-ci soit mis à jour pour prendre en compte les spécificités du véhicule électrique ou hybride rechargeable et notamment celles liées à l’installation (sur site ou au domicile du salarié) de la borne de recharge.

Si l’entreprise ne dispose pas encore d’une car policy, l’électrification de la flotte est une  bonne opportunité pour mettre en place ce type de document.

Vous pourrez même rendre opposable la car policy à tous vos salariés, afin que le non-respect de votre politique automobile d’entreprise puisse être sanctionné disciplinairement.

Dans ce cas, veillez à respecter la procédure applicable pour l’adoption du règlement intérieur, qui implique nécessairement la consultation du CSE, quelle que soit la taille de l’entreprise. Une fois adopté, vous devrez également penser à communiquer le règlement intérieur modifié à l’inspection du travail.

Qu’elle soit obligatoire ou non, la consultation du CSE et l’adoption d’une car policy nous paraissent pertinentes eu égard au coût des équipements en question (véhicules + bornes de recharges) : vous devez protéger votre investissement !

C’est votre intérêt d’anticiper les cas où les salariés ne respecteraient pas les règles d’utilisation des bornes de recharge : par exemple, via la mauvaise utilisation du badge professionnel mis à leur disposition, la dégradation de la borne de recharge de l’employeur… ou même le vol d’électricité pour un usage autre qu’automobile.

En savoir plus sur l’adaptation de votre car policy à l’électrification du parc automobile de l’entreprise

3. Faire évoluer le document unique d’évaluation des risques

En tant qu’employeur, vous avez l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité physique et mentale des salariés[7]. Vous devez, en particulier, respecter les principes généraux de prévention.

Ainsi, pour chaque unité de travail, vous devez transcrire et mettre à jour un « document unique d’évaluation des risques » (DUER).

Attention ! Votre CSE doit être consulté sur la mise en place du DUER et sur ses mises à jour[8].

Le DUER contient une énumération des risques constatés dans chacune de vos unités de travail. Pour chaque risque identifié, vous devez prévoir des mesures de prévention spécifiques.

Le code du travail impose la mise à jour de ce DUER :

  • au moins chaque année ;
  • mais également lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail[9].

Selon l’importance et la nature de votre projet d’électrification de flotte d’entreprise, notamment en cas de travaux importants d’infrastructure dans les locaux pour la mise en place de bornes électriques, de nouveaux risques liés à la santé physique et mentale des salariés pourraient survenir au sein de leur unité de travail.

On pense bien sûr aux risques électriques mais d’autres risques pourraient être identifiés, tels que par exemple le stress lié à la conduite de ce nouveau type de véhicule ou aux capacités de recharge.

Dans ce contexte, certains projets d’électrification de flottes pourraient constituer une « décision d’aménagement important » modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Dans ce cas, pensez bien à faire évoluer sans délai votre document unique d’évaluation des risques.

Pour rappel, le défaut de rédaction et de mise à jour du DUER est puni d’une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe soit 1.500 Euros pour les personnes physiques et 7.500 Euros pour les personnes morales[10].

Attention ! Si le DUER n’était pas mis à jour et qu’un accident concernant un collaborateur impliquait les infrastructures dédiées à l’électrification des flottes, l’inspection du travail pourrait juger que l’entreprise a commis une faute et décider de poursuivre l’entreprise pour blessure involontaire par exemple.

4. Flotte électrique : devez-vous adapter les contrats de travail de vos salariés ?

Si les contrats de travail des salariés de votre entreprise comportent une clause spécifique précisant qu’ils bénéficient d’un véhicule thermique de fonction, vous devez adapter ces contrats de travail pour les passer à l’électrique.

Veillez donc à établir un avenant à chaque salarié à qui vous attribuez un nouveau véhicule électrique de fonction, afin de mettre en conformité leur contrat.

Ce sera également l’occasion de leur faire approuver le règlement intérieur mis à jour sur ce point.

5. Electrifier sa flotte : évaluer l’avantage en nature de vos véhicules de fonction

Par ailleurs, si vos salariés disposent d’un véhicule de fonction électrique, le Service Paie de l’entreprise devra prendre en compte les nouvelles méthodes d’évaluation de l’avantage en nature lié à cette catégorie particulière de véhicules.

En effet, par principe, l’utilisation privée par le salarié d’un véhicule de fonction mis à disposition par vos soins constitue un avantage en nature qui apparaît sur le bulletin de paie du salarié et qui est soumis à cotisations sociales[11].

Le pouvoir règlementaire et l’URSSAF fixent les règles d’évaluation de cet avantage.

Jusqu’en décembre 2022, les règles d’évaluation pour les véhicules électriques sont plus avantageuses que celles relatives aux véhicules thermiques de fonction :

  • Les frais d’électricité engagés par vos soins pour la recharge du véhicule ne sont pas pris en compte[12] dans l’assiette de l’avantage en nature ;
  • L’utilisation par le salarié de la borne de recharge que vous aurez installée sur le parking de l’entreprise pour recharger son véhicule de fonction à des fins non professionnelles n’est pas prise en compte dans l’assiette de l’avantage en nature ;
  • Un abattement de 50 % s’applique sur l’avantage en nature dans sa globalité. Le montant de cet abattement est plafonné à 1 800 € par an ;

Retrouvez des exemples chiffrés suivant les différents cas de figure (location, achat) dans notre infographie Véhicule de fonction électrique & Avantage en nature

L’URSSAF ne s’est, en revanche, pas encore positionnée sur les modalités d’évaluation de l’avantage en nature lié aux autres dépenses engagées lors de l’électrification de la flotte d’entreprise : l’administration ne s’est pas encore prononcée par exemple sur la prise en charge par l’employeur des frais d’installation de la borne de recharge au domicile du salarié.

En attendant que l’URSSAF éclaircisse sa position dans une circulaire, vous devez donc analyser au cas par cas les modalités d’assujettissement de ce type de coûts, afin d’éviter tout redressement URSSAF.

6. Formez vos salariés aux nouveaux véhicules mis à disposition

Si votre entreprise dispose, directement ou indirectement, d’une flotte de plus de 100 véhicules automobiles[13], le code de l’environnement vous oblige à former et sensibiliser vos salariés aux véhicules électriques ou hybrides rechargeables attribués, afin de réduire l’incidence de leur conduite sur l’environnement.

Vous devez en effet vous assurer que les conditions pour une utilisation optimale sont réunies[14].

Si votre entreprise dispose d’une flotte moins importante, aucune obligation ne vous est imposée. Vous pouvez néanmoins organiser une telle formation et une sensibilisation de vos collaborateurs, en vous appuyant sur votre obligation générale de formation pratique et appropriée à la sécurité des travailleurs embauchés ou changeant de poste de travail ou de technique[15].

Il en effet de votre intérêt de saisir cette opportunité de former vos salariés à l’utilisation optimale des nouveaux véhicules et à l’écoconduite, afin notamment de réduire leur consommation énergétique… d’autant plus que c’est vous qui payez la note in fine !

7. Assurer la protection des données issues de vos véhicules électriques

L’électrification de votre flotte d’entreprise va entraîner la gestion d’un nouveau flux de données personnelles. On pense notamment à celles issues des badges confiés aux salariés pour recharger leur véhicule en électricité sur les bornes de recharge situées à leur domicile ou dans les locaux de l’entreprise.

Ces données concerneront a minima, les KW rechargés par chaque salarié pour l’utilisation professionnelle de leur véhicule de fonction ou de service, ainsi que le lieu de la borne de recharge utilisée.

Le recueil de ces données personnelles vous oblige ainsi au respect de la règlementation européenne de protection des données (RGPD)[16].

La collecte de ces données par vos soins nous paraît licite, sur le principe, car elle est nécessaire à la bonne exécution du contrat de travail de vos salariés bénéficiaires d’un véhicule de service ou de fonction[17].

En revanche, veillez à respecter les obligations RGPD suivantes concernant la gestion de ces données personnelles :

  • Seules les personnes habilitées au regard de leurs attributions doivent pouvoir y accéder;
  • Elles devront être traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données à caractère personnel, y compris la protection contre le traitement non autorisé ou illicite et contre la perte, la destruction ou les dégâts d’origine accidentelle[18].
  • En cas de recours à un sous-traitant (type installateur ou gestionnaire de bornes de recharge), vous devrez vous assurer que votre sous-traitant respecte également la règlementation RGPD [19].

Des questions à nous soumettre ?

Vous envisagez d’électrifier votre flotte automobile d’entreprise et souhaitez nous soumettre une question en droit social ? Vous pouvez nous écrire et nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Dossier préparé par : Elise Mialhe, avocate associée
et Céline Audibert, juriste stagiaire en droit social

 

Références législatives et réglementaires

Code du Travail à jour : Legifrance 

[1] Article L. 2312-8 du Code du travail

[2] Cass. Crim. 15 octobre 1991 n°90-83.045

[3] Article L. 2317-1 du Code du travail

[4] Article L. 2312-15 du Code du travail

[5] Article L. 2312-38 du Code du travail

[6] Article L. 2312-14 du Code du travail

[7] Article L. 4121-1 du Code du travail

[8] Article L. L. 4121-3 du Code du travail

[9] Article R. 4121-2 du Code du travail

[10] Article R. 4741-1 du Code du travail

[11] Article 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale

[12] Article 3 bis de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale

[13] dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 3,5 tonnes acquièrent ou utilisent, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules à faibles émissions.

[14] Article L.224-12-1 du Code de l’environnement

[15] Article L.4141-2 du Code du travail

[16] Règlement général sur la protection des données, abrégé en RGPD (Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE)

[17] Article 6 du RGPD

[18] Conseils pratiques dans le Guide sur la Sécurité des Données personnelles de la CNIL

[19] Article 28 du RGPD