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Accident grave du travail : comment agir en tant qu’employeur ? Rappel des obligations et conseils

MARICI Avocats a souhaité écrire cet article sur « les obligations et conseils pratiques pour un employeur confronté à un accident grave du travail  » pour deux raisons.

Premièrement, il nous paraissait important de créer un guide expliquant :

  • Qui sont les différents interlocuteurs de l’employeur dans le cas d’un accident grave du travail ;
  • Quelles sont alors ses obligations ;
  • Quelles sont les informations et documents officiels que doit produire l’entreprise employeur dans cette situation.

Vous pouvez donc vous y référer pour être certain de ne rien oublier.

Deuxièmement, il nous a semblé important de partager notre expérience sur les impacts que la rédaction de certains documents peut avoir dans le cadre d’une enquête pénale et d’une procédure judiciaire. Comme développé ci-dessous, les rédacteurs de ces documents doivent user d’une grande prise de recul afin de ne pas aboutir à des situations d’auto incrimination parfois non justifiées.

1. OBLIGATIONS A LA CHARGE DE L’EMPLOYEUR EN CAS D’ACCIDENT DU TRAVAIL GRAVE

1. a. Obligation d'information de l'inspection du travail dans les 12h suivant l'accident

Depuis le 12 juin 20231, les employeurs doivent désormais informer l’inspection du travail de tout accident du travail ayant entraîné le décès d’un de ses salariés, au plus tard dans les 12 heures qui suivent le décès du travailleur.

L’information doit notamment porter sur les circonstances de l’accident.

Dès lors, l’employeur qui ne respecterait pas cette obligation commet une contravention et encourt une peine d’amende de cinquième classe soit :

  • 500 Euros pour les personnes physiques
  • 500 Euros pour les personnes morales

1. b. Obligation de déclarer l'accident grave du travail auprès des services de la CPAM 48h après en avoir eu connaissance

L’employeur a l’obligation de déclarer l’accident grave du travail auprès des services de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) dont relève la victime dans les 48h à partir du jour où l’employeur a eu connaissance de l’accident2.

Dès lors, l’employeur qui ne déclare pas l’accident grave du travail est passible d’une sanction pénale3 :

  • Amende de 750 Euros pour une personne physique
  • Amende de 3.750 Euros pour une personne morale

Il est également passible d’une pénalité administrative4.

A la réception de cette déclaration d’accident du travail, la CPAM va déclencher une procédure d’instruction. Au terme de celle-ci, la CPAM devra statuer sur le caractère professionnel de l’accident.

Pour mémoire, une fois qu’un accident du travail est reconnu, le salarié est autorisé à saisir le Tribunal Judiciaire pour tenter de faire reconnaître que son accident du travail est causé par la faute de l’employeur. Il s’agit des actions en faute inexcusable diligentée par l’employeur5.

1. c. Obligation de réunir rapidement le Comité Social et Economique (CSE)

Sous peine de commettre un délit d’entrave, l’employeur a l’obligation de réunir le Comité Social et Economique à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves6.

L’inspection du travail et les agents des services de prévention des organismes de sécurité (CARSAT et OPPBTP, le cas échéant) devront impérativement être invités à ces réunions lorsque l’accident a entrainé un arrêt de travail d’au moins huit jours7.

A l’issue de cette réunion, le secrétaire du CSE dresse un procès-verbal. L’employeur peut en demander la modification ou la rectification sous certaines conditions8.

1. d. Obligation de conduire une enquête conjointement avec la CSE, dont le résultat doit être transmis à l'inspection du travail

Sous peine de commettre un délit d’entrave, l’employeur a l’obligation de mettre en œuvre une enquête par une délégation comprenant l’employeur ou un représentant désigné par lui et un représentant du CSE9.

Dans le cadre de cette enquête, la délégation tente de déterminer les causes de l’accident.

Ces enquêtes donnent généralement lieu à l’élaboration d’un document appelé « arbre des causes ». Il a pour objet de dresser la liste de l’ensemble des causes ayant pu conduire à l’accident. Même si ce document n’est pas obligatoire, ce sont souvent les intervenants « hygiène et sécurité » de l’entreprise qui l’élaborent.

Alors, le résultat de cette enquête doit être transmis à l’inspection du travail dans un délai de 15 jours suivant l’enquête10.

1. e. Obligation de répondre aux demandes de l'inspection du travail et de la CARSAT

L’inspection du travail et la CARSAT11 disposent d’un pouvoir d’enquête en matière d’accident du travail, auquel l’employeur ne peut faire obstruction12. Ils peuvent se déplacer sur le lieu de travail ou demander tout document ou information par mail ou par courrier.

Si l’employeur se rend coupable d’une obstruction à leur mission d’enquête :

  • Il commet un délit pénal à l’égard de la mission de l’inspection du travail13 
  • Il encourt une pénalité de 7.500 Euros par salarié dans la limite de 750.000 Euros vis à vis de la CARSAT

Ainsi, il est important de répondre de manière diligente aux demandes formulées par l’inspection du travail et par la CARSAT.

1. f. Obligation pour les chantiers du bâtiment et du génie civil de grande ampleur de réunir le Comité Inter-entreprise de Santé, de Sécurité et des Conditions de Travail (CISSCT)

Sur certains chantiers du bâtiment et du génie civil de grande ampleur, on constitue un CISSCT.

En cas d’accident grave du travail, le CISSCT est obligatoirement réuni sous l’impulsion de son Président, le Coordonnateur de Sécurité et de protection de la santé (CSPS)14.

Les chefs des entreprises présentes sur le chantier y participent, au même titre que les représentants de leurs salariés15.

Cette réunion se conclut par l’élaboration d’un procès-verbal consigné dans un registre tenu par le Coordonnateur de Sécurité et de Protection de la Santé16.

2. PRECAUTIONS A ADOPTER DANS LA REDACTION DES DOCUMENTS

2. a. Contenu des documents dans le cadre d'un accident grave du travail : un enjeu dans le cadre du procès pénal

Dans le cadre de ces obligations, l’entreprise employeur du salarié accidenté communique un grand nombre d’informations et de documents, la plupart du temps dans un temps très court après l’accident.

Elle crée seule ou conjointement avec d’autres acteurs de l’entreprise (notamment avec les représentants du personnel) la majorité des documents.

Or on constate que le contenu de certains documents peut être influencé par l’analyse d’intervenants extérieurs (CARSAT, Inspection du travail) qui ont l’occasion d’intervenir notamment au cours des réunions CSE ou dans la mise en œuvre de leur pouvoir d’enquête.

En outre, dans les jours qui suivent l’accident, l’émotion et le sentiment de culpabilité peuvent conduire les intervenants à se « refaire le film » de tout ce qui aurait dû être fait pour éviter l’accident. C’est ce qu’on appelle le phénomène de « retour d’expérience » ou « REX ». Dans ce contexte, les différents intervenants amenés à créer les documents peuvent être tentés de décrire/affirmer, dans les documents susmentionnés que l’accident est généré par certains évènements sans que cela ne soit concrètement et juridiquement vérifié.

Or ces documents établis très rapidement après l’accident sont naturellement regardés de très près par les enquêteurs et les juridictions.

Ainsi, dans plusieurs procès auxquels le cabinet MARICI Avocats a participé, la juridiction s’est appuyée en cours d’audience sur ces documents. Dès lors, le travail de défense de l’employeur est alors beaucoup plus complexe car il faut parfois plaider à l’encontre des conclusions de ces documents, pourtant émis par l’entreprise elle-même.

2. b. Conseils pratiques pour la rédaction des documents en cas d'accident grave du travail

Sources :

1 Décret du 9 juillet 2023 n°2023-452

2 Articles L. 441-1 et R. 441-1 du Code de la sécurité sociale

3 Article R. 471-3 du Code de la sécurité sociale

4 Article L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale

5 Article L. 452-4 du Code de la sécurité sociale

6 Article L. 2315-27 du Code du travail

7 Article L. 2314-3 II du Code du travail et R. 4643-32 du Code du travail

8 Article L. 2315-34 du Code du travail ; Circulaire DRT 12 du 30 novembre 1984 ; rép Vennin : AN 9-9-1985 n°54982 ; Lettre min n°1790 du 6 mars 1989

9 Articles L. 2312-13 et R. 2312-2 du Code du travail

10 Article 2 de l’arrêté du 15 septembre 1988) via un formulaire CERFA https://www.formulaires.service-public.fr/gf/cerfa_12758.do

11 Articles L. 422-3 du Code de la sécurité sociale et L. 8112-2 du Code du travail

12 Article L. 243-11 du Code de la sécurité sociale

13 Article L. 8114-1 du Code du travail

14 Article R. 4532-85 du Code du travail

15 Article R. 4532-78 du Code du travail

16 Articles R. 4532-88 et R. 4532-89 du Code du travail