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Travail en temps de canicule : quelles obligations pour l’employeur ?

Le risque lié aux épisodes de canicule est fortement d’actualité pendant la période estivale. Elise Mialhe, associée au sein du cabinet Marici avocats a souhaité faire un zoom sur les obligations de l’employeur en matière de travail en temps de canicule et sur les éventuelles sanctions encourues par celui-ci en cas de non-respect.

Le rapport du #GIEC# 2021[1] prévoit d’ailleurs une augmentation de ce phénomène dans les années à venir, y compris en France. Les employeurs doivent donc se préparer à prévenir les risques en résultant.

Les salariés intervenant sur des chantiers de bâtiment et de génie civil, qui pour la plupart, occupent un poste de travail en extérieur, sont naturellement particulièrement visés par ce risque.

 

 

Sources des obligations de l’employeur en matière de travail en temps de canicule

1. Des dispositions éparses prévues par le Code du travail 

Le Code du travail ne dispose pas d’un corpus de règle structuré s’agissant de la prévention des risques liés aux vagues de chaleur.

Seules certaines dispositions éparses prévoient certaines obligations pesant spécifiquement sur l’employeur en la matière :

  • Obligation de mise à disposition de boissons par l’employeur (Articles R. 4225-2 et s. du Code du travail)[2] ;

  • Obligations d’éviter les élévations exagérées de températures dans les locaux fermés (Article R. 4222-1 du Code du travail)[3] ;

  • Obligations de protéger les postes de travail extérieurs des conditions atmosphériques : Article R. 4225-1 du Code du travail)[4] ;

  • Obligations particulières prévues pour les chantiers de bâtiment et de génie civile de :
    • mise à disposition d’un local pour protéger les salariés des conditions climatiques susceptibles de porter atteinte à leur santé (Articles R. 4532-14 et R. 4534-142-1 et s. du Code du travail)[5]
    • mise à disposition 3 litres d’eau par jour et par travailleur (Article R. 4534-143 du Code du travail).[6]

2. Un dispositif précis de lutte contre les risques liés aux vagues de chaleur mis en place par la direction générale de la santé en collaboration avec le ministère du travail notamment

Le 10 juin 2021, le ministère des solidarités et de la santé a publié sur son site internet, une instruction interministérielle du 7 mai 2021 relative à la gestion sanitaire des vagues de chaleur en France métropolitaine.[7]

Cette instruction met en place un nouveau dispositif « la disposition spécifique Orsec gestion sanitaire des vagues de chaleur » qui remplace le plan national canicule.[8]

Deux nouvelles instructions datées respectivement  du 12 juin 2023 et 13 juin 2023 reprennent les dispositifs préconisés en 2021. La seconde prévoit néanmoins un renforcement des contrôle de l’inspection du travail pour les secteurs d’activité les plus concernés, en particulier, le bâtiment et les travaux publics.

Les obligations pesant sur l’employeur listées par la disposition spécifique ORSEC peuvent être classées en 4 grandes catégories :

  • Préparer les vagues de chaleur ;
  • Organiser une veille des prévisions météorologiques du 1er juin au 15 septembre pour informer les salariés de la survenue et de la fin des vagues de chaleur ;
  • Agir pour protéger les salariés pendant des vagues de chaleur ;
  • Organiser un retour d’expérience pour une amélioration continue du dispositif.

 

Obligations de l’employeur en matière de travail en temps de canicule prévues par la disposition spécifique Orsec

Certaines des obligations listées par la disposition spécifique ORSEC sont un rappel de ce que prévoit spécifiquement le Code du travail. Un certain nombre d’obligations pesant sur l’employeur y sont ajoutées.

Ces obligations sont synthétisées dans le tableau ci-dessous :

CATEGORIE D’OBLIGATIONS OBLIGATIONS LISTEES PAR LA DISPOSITION SPECIFIQUE ORSEC
Préparer les vagues de chaleur Veiller à l’élaboration et l’actualisation du document unique d’évaluation des risques et d’un plan de gestion interne des vagues de chaleur le cas échéant ;
Désigner un responsable de la préparation et de la gestion ;
Recenser les postes de travail les plus exposés à une source de chaleur importante ;Informer les salariés des risques, des moyens de prévention ainsi que des signes et symptômes du coup de chaleur ;Mettre à disposition des salariés des locaux ventilés, de l’eau potable et fraîche, et ce, gratuitement (article R. 4225-2 du code du travail) ;Vérifier que les adaptations techniques pertinentes (stores, aération…) permettent tant de limiter les effets de la chaleur ont été mises en place et sont fonctionnelles : dans les locaux fermés où les salariés sont amenés à séjourner, l’air doit être renouvelé (article R. 4222-1 du code du travail).
Veille des prévisions météorologiques du 1er juin au 15 septembre Consulter régulièrement les prévisions météorologiques afin d’anticiper au mieux voire réaménager l’activité notamment si elle doit avoir lieu en plein air et comporte une charge physique.Être informé de l’évolution et de la fin de la vague de chaleur et diffuser l’information au sein de l’entreprise ; Signaler tout évènement, toute évolution anormale des indicateurs au sein de l’entreprise.
Agir pour protéger les salariés pendant des vagues de chaleur  Mettre en place d’une organisation et de moyens adaptés (mesures de limitation de ces expositions (ex. horaires décalés, pauses plus fréquentes…) ; Mettre à disposition des salariés « de l’eau potable et fraîche pour la boisson » (article R. 4225-2 du code du travail) ; Aménager les horaires de travail, augmenter la fréquence des pauses, reporter les tâches physiques éprouvantes ou encore informer les salariés sur les risques encourus (fatigue, maux de tête, vertige, crampes… pouvant entraîner des conséquences graves comme des coups de chaleur ou une déshydratation) ;S’assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs ; Procéder au contrôle du bon renouvelle ment de l’air dans les locaux fermés où le personnel est amené à séjourner (article R. 4222-1 du code du travail) ; Faire remonter toute situation anormale potentiellement en lien avec la chaleur à l’inspection du travail ;Surveiller la température des locaux ; Mettre à disposition des moyens de protection et/ou de rafraîchissement : ventilateurs, brumisateurs, humidificateurs ; Adapter les horaires de travail dans la mesure du possible en fonction des heures les plus chaudes, et privilégie le télétravail lorsque cela est possible ; Organiser des pauses supplémentaires ou plus longues aux heures les plus chaudes ;   Dispositions particulières pour les travailleurs en extérieur, dont BTP :   Aménager les postes de façon à ce que les travailleurs soient protégés, dans la mesure du possible (article R. 4225-1 du code du travail) ; Prévoir un local permettant l’accueil des travailleurs dans des conditions préservant leur sécurité et leur santé. À défaut d’un tel local, des aménagements de chantier sont nécessaires afin de permettre la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans des conditions équivalentes (article R. 4534-142-1 du code du travail) ; Mettre à la disposition des travailleurs au moins 3 litres d’eau par personne et par jour (article R. 4534-143 du code du travail).
Organiser un retour d’expérience pour une amélioration continue du dispositif. Procéder à l’analyse de la gestion de l’évènement, en tire les conséquences pour apporter les améliorations nécessaires à son dispositif.

Sanctions encourues par l’employeur en matière de prévention des risques liés aux vagues de chaleur ?

1. Poursuites pénales encourues même en l’absence d’accident sur le lieu de travail

Certains textes du Code du travail repris par la Disposition spécifique ORSEC sont assortis d’une sanction pénale prévue par l’article L. 4741-1 du Code du travail.[9] C’est le cas par exemple des articles suivants :

  • Obligations de mise à disposition de boisson par l’employeur auprès de ses salariés : Articles R. 4225-2 et s. du Code du travail ;
  • Obligations d’éviter les élévations exagérées de températures dans les locaux fermés : Article R. 4222-1 du Code du travail ;
  • Obligations de protéger les postes de travail extérieurs des conditions atmosphériques : Article R. 4225-1 du Code du travail) (Article pénalement sanctionné) ;
  • Obligations particulières prévues pour les chantiers de bâtiment et de génie civile de :
    • mise à disposition d’un local pour protéger les salariés des conditions climatiques susceptibles de porter atteinte à leur santé : Articles R. 4532-14 et R. 4534-142-1 et s. du Code du travail
    • mettre à disposition 3 litres d’eau par jour et par travailleur (Article R. 4534-143 du Code du travail) ;

Le non-respect de ces textes peut donc donner lieu, à lui seul, à des poursuites pénales déclenchées notamment par l’inspection du travail. Une peine d’amende de 10.000 Euros par salarié concerné par l’infraction est encourue. Cette amende est quintuplée pour les personnes morales en application de l’article 131-38 du Code pénal. 

La méconnaissance des autres obligations précisément listées par la Disposition spécifique ORSEC ne nous parait pas, en soi, pouvoir faire l’objet de sanction en soi car elles ne sont pas assorties d’une sanction pénale.

2. Poursuites pénales encourues suite à un accident de salarié causé par un épisode de canicule

En cas d’accident de salarié causé par une vague de chaleur, le non-respect de la Disposition spécifique Orsec pourra, à notre sens, donner lieu à la poursuite de l’employeur sur le fondement de l’article 121-3 du Code pénal[10].

L’article 121-3 du Code pénal permet de sanctionner la commission d’infractions non intentionnelles.

Parmi ces dernières, on pense naturellement aux délits de blessures involontaires (Article 222-19 du Code pénal[11]), homicide involontaire (Article 221-6 du Code pénal[12]).

L’engagement de la responsabilité pénale dans ce cas nécessite :

  • la preuve d’une maladresse, d’une imprudence, d’une inattention ou d’un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement et ;
  • d’établir que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

A la lumière de ces textes, il nous semble que le non-respect de la Disposition spécifique Orsec pourrait être analysé, par le juge pénal, de la manière suivante :

  • Un manquement par l’employeur à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement si l’obligation violée rappelée résulte expressément du Code du travail (Ex : Articles R. 4225-2, R. 4222-1, R. 4225-1, R. 4532-14 et R. 4534-142-1 du Code du travail rappelés par la Disposition spécifique Orsec) ;

  • Une imprudence ou une inattention de l’employeur s’agissant des autres obligations listées par la Disposition spécifique Orsec. En particulier, les employeurs qui auront été sensibilisés par la CARSAT ou par l’inspection du travail sur ces sujets pourront difficilement écarter la faute d’imprudence si un accident devait survenir en raison d’un manquement aux recommandations de la Disposition spécifique Orsec.

 

Cet article sur les obligations de l’employeur sur le travail en temps de canicule vous a été proposé par Elise Mialhe.

Les équipes de MARICI Avocats se tiennent à votre disposition pour vous assister et vous conseiller s’agissant de la politique de prévention des risques au sein de votre entreprise.

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[1] Rapport du GIEC 2021

[2] Articles R. 4225-2 et s. du Code du travail

[3] Article R. 4221-1 du Code du travail

[4] Article R. 4225-1 du Code du travail

[5] Article R. 4532-14 du Code du travail ; Article R. 4534-142-1 du Code du travail

[6] Article R. 4534-143 du Code du travail

[7] Instruction interministérielle du 7 mai 2021 relative à la gestion sanitaire des vagues de chaleur en France Métropolitaine

[8] Guide Disposition spécifique Orsec

[9] Article L. 4741-1 du Code du travail

[10] Article 121-3 du Code pénal

[11] Article 222-19 du Code pénal

[12] Article 221-6 du Code pénal