Le 27 novembre 2021, Mathilde CHARMET-INGOLD, associée Marici Avocats, était l’invitée de Florence Duprat dans SMART LEX à propos du droit à la prise en copropriété.
Voici l’enregistrement vidéo de cette émission :
Bornes électriques en copropriété : comment faire valoir son droit à la prise ?
Emission SMART LEX diffusée sur la chaîne B SMART.
On va à présent parler des voitures électriques et hybrides qui font de plus en plus d’adeptes et qui représentent près de 18 % du marché français. Les choses sont en train de bouger petit à petit. On en parle avec Mathilde Charmet Ingold, avocate associée chez Marici Avocats.
Florence Duprat : Il y a de plus en plus d’adeptes de voitures électriques et hybrides. Le problème, c’est que ce n’est pas toujours facile de faire installer des bornes de recharge dans les copropriétés. Il existe pourtant une réglementation bien précise en la matière ?
Mathilde Charmet Ingold : Effectivement, il y a une réglementation en matière d’installation des bornes de recharge qui a été mise en place pour faciliter le déploiement des bornes de recharge en copropriété. La réglementation diffère selon que vous êtes effectivement dans une démarche plutôt individuelle ou dans une démarche collective. Et celle qui a été le plus favorisée ces derniers temps, c’est ce qu’on appelle le fameux « droit à la prise » qui existe lorsque vous êtes dans une démarche individuelle.
FD : Qui est concerné par ce droit à la prise ?
MCI : Un locataire, par exemple, qui a une place de parking qui dépend de l’appartement qu’il loue, peut demander à son propriétaire de faire installer une borne de recharge sur sa place de parking. Ou un propriétaire peut aussi lui même faire valoir son droit à la prise.
FD ! Et comment on fait valoir ce droit à la prise ?
MCI : C’est très simple : il suffit d’envoyer un courrier à son syndic en l’informant que vous souhaitez installer une borne sur votre place de parking. Cette notification prend la forme d’un courrier recommandé. Il faut y joindre le devis de l’entreprise que vous avez choisie pour faire cette installation. Et il est conseillé aussi de joindre un détail du schéma de raccordement, pour expliquer comment vous envisagez de raccorder votre borne sur l’installation de la copropriété.
FD : Oui, donc c’est quand même assez compliqué…
MCI : C’est assez simple parce que ce qui est important, c’est d’anticiper, de voir avec les entreprises qui sont spécialisées dans ce secteur et qui installent des bornes de recharge puisqu’elles connaissent bien la procédure et sont en mesure de vous apporter effectivement les documents qu’il faut joindre à cette notification.
FD : Est ce que la copropriété peut s’y opposer et sous quel motif ?
MCI : Là aussi, toute la procédure a été simplifiée et clarifiée par le législateur. Parce que le problème de droit à la prise, c’est qu’il se confronte aux droits de la copropriété classique que l’on connaît tous. Par principe, lorsque vous êtes en copropriété et que vous devez, si vous voulez faire des travaux dans les parties communes, vous vous dites qu’il faut un vote en assemblée générale.
Dans ce cas là, non. Le principe, c’est que vous notifiez au syndic et le syndic a ensuite 3 mois pour éventuellement s’y opposer. Et les motifs d’opposition et de refus sont très précis. C’est uniquement si la copropriété souhaite, dans une démarche collective, installer des bornes de recharge. Et dans ce cas, l’opposition du syndic ou de la copropriété doit prendre une forme bien précise aussi, via un recours devant le tribunal.
C’est à dire que si dans les trois mois de la notification, le syndic n’a pas saisi le tribunal pour s’opposer à l’installation de votre borne au seul motif qu’il y a une démarche collective qui est instaurée ou envisagée dans la copropriété, en tant que locataire ou propriétaire, vous êtes libre d’installer votre borne.
FD : Personne ne pourra après nous faire retirer cette borne, la faire démonter ?
MCI : Non, à partir du moment où vous avez respecté la notification, attendu le délai de trois mois, vous pouvez installer votre borne sans difficulté.
FD : Les travaux sont à la charge des locataires ou des copropriétaires ?
MCI : Dans le droit à la prise, c’est aux frais du propriétaire ou du locataire demandeur. C’est celui qui installe la borne qui la paye.
FD Et pour les consommations, comment ça se passe ? On va rentrer dans un système de refacturation ? Parce que c’est ce qui inquiète quand même les copropriétaires : « on ne va pas payer pour notre voisin qui recharge sa voiture. »
MCI Effectivement, lorsque on est dans une copropriété, vous êtes dans une démarche collective. C’est à dire qu’il y a plusieurs copropriétaires qui souhaitent installer des bornes de recharge. Il est souvent plus intéressant dans ce cas là de faire appel à une même entreprise et d’installer collectivement. Dans ces cas là, le principe, c’est que c’est chaque utilisateur qui va payer ses propres consommations avec un système de comptage qui dépend des bornes.
FD : Et c’est la même chose, quand on est dans une démarche individuelle ?
MCI : La démarche individuelle est effectivement beaucoup plus simple puisque vous avez votre borne qui est raccordée et vous payez vos consommations. Lorsque vous êtes dans une démarche collective et qu’il y a plusieurs bornes qui sont raccordées, ce seront uniquement les copropriétaires utilisateurs qui se verront refacturer les consommations électriques.
Florence Duprat : Imaginons une copropriété dans une démarche collective pour l’installation de ces bornes électriques. Que se passe-t-il si les copropriétaires votent non en assemblée générale et que l’installation collective est ainsi retoquée ? Est ce qu’après l’AG, les locataires ou copropriétaires qui souhaitent avoir une borne électrique peuvent engager une démarche individuelle ?
MCI : Effectivement, ils peuvent ensuite faire valoir leur droit à la prise à titre individuel. Mais pour éviter ce genre de désagréments, ce qui est plutôt recommandé, c’est d’anticiper avant l’assemblée cette démarche d’installation collective et de faire le tour des copropriétaires pour leur expliquer effectivement les tenants et aboutissants, l’absence de risque, le fait que ce sera sans frais pour eux.
Un autre point important à savoir, c’est qu’avec la Loi Climat et Résilience parue à l’été 2021, il y a eu un assouplissement des règles de majorité du vote : une fois que le décret d’application sera passé normalement, au lieu de passer par un vote à la majorité absolue, ce sera désormais un vote à la majorité relative. L’idée est vraiment d’assouplir pour favoriser et aider au déploiement des bornes électriques dans copropriétés.
FD : Cela devrait favoriser bien sûr leur déploiement dans les copropriétés. Qu’est-ce que vous notez, de votre côté, est-qu’il y a toujours une réticence de la part des syndics ? Ou est ce que les choses sont en train de bouger, malgré tout ?
MCI : Les choses bougent, effectivement. C’est une question de pédagogie. Aujourd’hui, je le vois effectivement dans mon activité. On voit que les syndics ont bien compris qu’à partir d’une démarche individuelle, de toute façon, c’est difficile de s’y opposer. Et même commencent même à proposer, lorsqu’il y a un copropriétaire qui souhaite faire valoir son droit à la prise, d’anticiper et d’envisager une démarche collective.
Florence Duprat : les syndics en profitent finalement pour lancer le débat…
Mathilde Charmet Ingold : Oui, sachant qu’ils ont une obligation, en tant que syndic, à chaque assemblée générale, d’inscrire à l’ordre du jour la possibilité de faire des travaux pour installer des bornes électriques dans la copropriété.