Le vol d’électricité connaît un nouvel essor avec le développement de l’utilisation des véhicules électriques et les besoins en recharge associés.
Le développement de l’utilisation des véhicules électriques pose la question de la recharge de leurs batteries, question qui vient elle-même renouveler les possibilités de recours à l’infraction pénale de vol par soustraction frauduleuse d’énergie.
Habituellement utilisé pour sanctionner des raccordements faits de manière artisanale – branchements sauvages sur des lignes électriques par des moyens plus ou moins dangereux -, le délit de vol d’énergie peut correspondre au simple branchement d’une batterie sur une prise sans l’autorisation du titulaire du contrat de fourniture d’électricité [1].
Si l’infraction est retenue (notamment en cas de faits répétés), outre les peines principales d’emprisonnement et d’amende encourues, la peine complémentaire de confiscation – qui connait un développement spectaculaire ces derniers temps – du véhicule qui a servi à la commission de l’infraction serait en théorie susceptible d’être prononcée.
1. Qu’est-ce que le vol d’énergie ?
Définition du vol dans le code pénal
Le vol est défini à l’article 311-1 du Code pénal comme étant « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. »
L’article suivant, 311-2, indique par ailleurs que « La soustraction frauduleuse d’énergie au préjudice d’autrui est assimilée au vol. »
On entend par énergie notamment l’électricité [2]. Ainsi, le fait de s’approprier frauduleusement de l’électricité est susceptible de constituer un vol d’énergie.
Ce détournement peut se faire simplement par le branchement sur une prise dépendant du compteur d’un tiers – et donc aux frais de ce dernier -, sans aucune autorisation de sa part.
On rappellera enfin que la qualification de vol ne dépend pas de la valeur du bien détourné.
Sanctions du vol d’électricité : prison, amende voire dommages et intérêts
Les sanctions du vol sont les suivantes [3] :
Peines principales (article 311-3 du Code pénal)
Le vol est passible de :
- 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende pour les personnes physiques
- 225 000 € d’amende pour les personnes morales.
Peines complémentaires (articles 311-14 à 311-16 du Code pénal)
Les personnes physiques encourent notamment les peines complémentaires suivantes :
- interdiction des droits civiques, civils ou de famille ;
- interdiction d’exercer une activité professionnelle, interdiction de direction et de gestion d’une entreprise, temporaire ou définitive ;
- confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction.
Les personnes morales encourent notamment les peines complémentaires suivantes :
- interdiction temporaire ou définitive d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ;
- confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction.
En outre, la victime peut réclamer le versement de dommages et intérêts en réparation des dommages subis par elle.
Ces dommages peuvent être d’ordre patrimoniaux (notamment le coût de l’électricité détourné) ou extra-patrimoniaux (par exemple les perturbations occasionnées par les agissements de l’auteur).
A noter que la tentative de vol est sanctionnée de la même manière que le vol (article 121-5) [4].
2. La commission de l’infraction à l’occasion de la recharge d’un véhicule électrique
Le développement de l’utilisation des véhicules électriques – voitures et vélos pour les particuliers ; cars, camions, voitures pour les professionnels ; etc. – pose la question de leur recharge [5].
Le législateur a récemment pris des dispositions afin de favoriser et de soutenir ce développement, grâce notamment à l’instauration d’un « droit à la prise » dans les copropriétés [6].
Faute de bornes de recharge accessibles, les propriétaires de véhicules électriques vont même jusqu’à tirer un câble depuis leur appartement jusqu’à leur véhicule. Le phénomène à un nom : le « yolocharging » [7], avec les dangers que cela comporte.
Autre difficulté, le coût des bornes de recharge en ville est actuellement relativement onéreux [8].
C’est ainsi que par soucis d’économie, des utilisateurs de véhicules électriques peuvent décider de les recharger en les branchant – occasionnellement ou plus régulièrement sur une prise dépendant du compteur d’un tiers.
Recharger son vélo électrique sur une prise dépendant de la copropriété
Il s’agira par exemple de l’occupant d’un immeuble en copropriété (propriétaire, locataire, invité, etc.) branchant son vélo électrique pour recharger sa batterie sur une prise située dans les parties communes de la copropriété.
Outre la gêne éventuellement occasionnée, il détourne donc à son profit de l’électricité qui sera payée par la copropriété.
Si le préjudice financier (coût de l’électricité détournée) peut être relativement faible, la situation peut être source de tensions et de vives réactions parmi les occupants, notamment en cas de répétitions des faits, pouvant les pousser à agir contre l’auteur.
Recharger sa voiture électrique sur une prise de bâtiment dans la rue
Il s’agira encore de l’utilisateur d’une voiture électrique rechargeant sa batterie sur une prise accessible à l’emplacement d’un marché, au mur d’une école, d’un bâtiment public, etc.
Ici encore, même si le préjudice financier peut être relativement faible, la situation peut être de nature à faire réagir la population au regard du manque de civisme et du sans-gêne de l’auteur.
En outre, le conducteur indélicat rend indisponible un accès à l’électricité à ceux autorisés à l’utiliser.
La multiplication de tels comportements aboutirait à la multiplication des verbalisations et dépôts de plainte, et in fine à des décisions prononçant des sanctions contre les auteurs.
3. Solutions pour réduire le risque de vol d’électricité
En tout état de cause, les solutions pour réduire le risque de vol d’énergie par branchement sauvage sont variées et plus ou moins facile à mettre en œuvre :
– d’une part, développer le nombre et améliorer l’accès aux bornes de recharge pour des coûts raisonnables ; cela passe notamment par la mise en œuvre effective du droit à la prise dans les copropriétés et par la mise à disposition par les employeurs au profit de leurs salariés de bornes de recharge ;
– d’autre part, empêcher les branchements sauvages par des prises verrouillées et dissuader par la vidéo surveillance.
Brigitte Bézard-de-Rougé, Avocate associée en Droit pénal des affaires
Références
[1] L’autorisation peut cependant être tacite, par tolérance entre autres.
[2] Qui punit le vol d’électricité (Web NRJ).
Comment vérifier l’absence de raccordement frauduleux à votre compteur électrique ? (Engie).
[3] Peines pouvant être aggravées en fonction des circonstances (art 311-4 du Code pénal)
[4] La tentative est « constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. » (art 121-5 du code pénal)
[5] Recharger sa voiture électrique à domicile, un cauchemar ? (Turbo)
[6] Un nouveau décret vient renforcer le droit à la prise (AVERE France)
[7] Le « yolocharging » des véhicules électriques pourrait être bientôt légalisé. (Automobile propre)
[8] Véhicules électriques et bornes de recharge (Ville de Paris)